Des virus et des hommes 2

Je ne suis pas une mystique des fléaux.

 

Je n'ai pas la volonté de faire entendre la voix du Père Paneloux, immortalisée par Camus.

 

Simplement, partager une expérience avec vous, chers amis, nourrir une réflexion sur le mal qui nous frappe.

 

Les hommes de bonne volonté existent, témoins en sont ces centaines de milliers de gens qui s'engagent aux côtés des soignants, médecins, infirmières, aides-soignants, ambulanciers, pompiers ... la chaîne est infinie de ces héros de l'humanité.

 

Le pic de l'épidémie semble devoir être atteint ces jours-ci, aux dires des statistiques médicales, mais nous ne pouvons imaginer un imminent sauve-qui-peut : après le confinement, viendront des jours différents, mais la vie normale ne reprendra pas pour autant ses droits.

 

Je voudrais dire deux choses : d'abord, souligner encore et encore le rôle héroïque de nos soignants dans tous les hôpitaux du monde, car l'épidémie est à l'échelle mondiale, et partout, des gens se battent pour enradiquer ce virus. Lever la tête et élargir notre regard au monde nous élèvera

 

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées

 

comme l'écrivait, encore lui ! Charles Baudelaire.

 

Il faut en effet prendre de la hauteur pour ne pas sombrer dans les petites contingences de la vie ordinaire.

 

Avant toute polémique, et Dieu sait qu'il y en a, contre les uns ou les autres, avant de laisser s'épanouir la fleur vénéneuse de la haine, avant de jouer aux donneurs de leçons, qui prolifèrent par les temps qui courent sans la moindre compétence pour donner leur avis, admirons et soutenons le courage hors-normes du personnel médical.

 

Souvenons-nous : depuis 18 mois, les grèves se multipliaient aux Urgences, depuis 18 mois, ces voix cherchaient à se faire entendre, en vain. C'est comme si elles s'étaient perdues dans l'indifférence générale. Fallait-il une épidémie à l'échelle de ce que nous vivons pour entendre le signal, et comprendre que rien ne peut perdurer comme avant ? Camus le disait, un fléau ne survient jamais par hasard. J'ignore quelle ligne nous avons franchie, quels apprentis sorciers nous avons voulu être, mais voilà qu'un virus vient remettre toutes les pendules à l'heure, et comme nous sommes les rois de la mondialisation, les rois de l'insouciance aussi en quelque sorte, il nous frape de plein fouet. Avons-nous été assez inconscients pour laisser à d'autres nations, la Chine en l'occurrence, le soin de fabriquer des masques, des médicaments, des respirateurs ... qui nous font aujourd'hui si cruellement défaut ? La Chine, reconnaissante de notre aide en début d'épidémie, envoie des millions de masques par longs courriers, des médecins aussi, qui viennent en renfort des nôtres, les nations européennes s'unissent pour accueillir ces malades " en trop ", qui n'ont pas de lit chez nous, c'est magnifique, mais ... avions-nous suffisamment anticipé ? Et nos médecins ne meurent-ils pas - car ils meurent ! - de l'insouciance coupable des politiques et de leurs conseillers en tout genre depuis des décennies ?

 

C'est triste de les contempler sur toutes les chaînes d'infos, et de pleurer d'impuissance devant leur combat de titans !

 

On pense au Titanic, qui sombra une nuit d'avril 1912 dans les eaux de l'Atlantique nord. Là aussi, la White Star Line avait choisi la cécité parfaite : pourquoi construire des canots de sauvetage pour tous les passagers, ce qui risquait de nuire à l'aisance du pont supérieur, fréquenté par les magnats du monde moderne ? le géant des mers était insubmersible, alors à quoi bon ? A quoi bon songer aux passagers de troisième classe qui périrent tous noyés, au nom de l'esthétisme et de l'argent ? Ne savaient-ils donc pas nager ?

 

Mais la même chose se produit aujourd'hui !

 

Ce sont les anonymes des services hospitaliers qui donnent leur vie pour protéger la nôtre, ces anonymes aux salaires dérisoires, qui n'ont pas hésité une seconde à revenir au front quand on a eu besoin d'eux ! Ce sont les petits métiers du quotidien, commerçants, éboueurs, transporteurs ... qui font tourner la France, dans l'espoir que le grand navire où nous sommes tous embarqués saura se détourner à temps de cet iceberg au nom étrange, COVID 19, ce sont tous ceux qui se confinent, certains dans 20 m2, pour soutenir les soldats du front.

 

Honte à ceux qui ont volé leurs masques à l'hôpital Avicenne de Bobigny, honte à ceux qui demandent aux infirmières d'aller se garer loin de chez eux, ou de ne pas toucher les portes , les rampes d'escalier, les boutons électriques de leurs résidences, honte à ceux qui vandalisent leurs voitures ! Et je m'abstiendrais de me prononcer sur ceux qui portent des masques pour aller chercher leur baguette de pain, quand les soignants, eux, n'en ont pas .

 

Oui il y a les hommes de bonne volonté, mais il y a aussi ceux qui se détournent de votre chemin, ici ou là, comme si le virus allait soudain leur sauter dessus, ceux qui se détournent avec la peur et la haine dans les yeux. Il y a ceux qui refusent le strict confinement parce que voyez-vous, la maladie ne concerne que les autres, et qu'ils sont bien loin, dans un horizon aux contours flous, ceux qui luttent, éternels travailleurs dont parlait Hugo.

 

Un jour, pas si lointain sans doute, nous serons libérés de cette guerre infâme. Je crains qu'alors, comme à la Libération en 45, on ne se souvienne plus de rien, qu'on danse dans les rues la paix retrouvée, que la fête brûle les esprits, qu'on sillonne à nouveau le ciel pour ces inutiles voyages qui pourrissent la planète, qu'on retourne remplir ses chariots aux supermarchés, de mille choses inutiles, qu'on oublie l'éphémère fraternité des jours de crise. L'Histoire nous l'a montré, on ne tire jamais de leçons de rien.

 

Pardon à Jean Moulin, le résistant héroïque, d'avoir fêté à la Libération les résistants du dernier quart d'heure, ceux qui, pour échapper au châtiment de leur collaboration avec l'Allemagne nazie, tondaient les femmes et exécutaient à tous de bras, trahissant les vrais résistants, ceux qui n'étaient plus là pour le dire. Quel sacrifice, cher Jean !

 

Pardon à vous, soignants de tous bords : nous ne méritons sans doute pas que vous sacrifiiez vos vies .


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